LA FILIERE VISUELLE
Projection des besoins et de la capacité de prise en charge
Des solutions proposées à l’efficacité insuffisante
Une extension des compétences des opticiens-lunetiers aux effets marginaux.
Les opticiens bénéficient de délégations d’actes portant sur le renouvellement et l’adaptation des prescriptions d’optique médicale. À la suite d’une récente extension, ils sont désormais12 habilités à renouveler et à adapter les ordonnances de verres correcteurs et de lentilles de contact pendant un certain temps, fonction de l’âge du patient. La durée de validité de l’ordonnance varie de 1 an à 5 ans, avec des obligations strictes d’information à la charge de l’opticien-lunetier. L’ophtalmologiste conserve la possibilité de s’opposer au renouvellement et à l’adaptation par l’opticien lunetier ou d’en limiter la durée.
La délivrance d’équipements d’optique médicale, qui a augmenté de 48 %13 entre 2008 et 2014, continue cependant à reposer pour l’essentiel sur les ophtalmologistes. Ainsi, la CNAM estimait que les renouvellements par les opticiens ne concernaient que 10 % des délivrances d’équipements.
Aujourd’hui, la formation des opticiens ne correspond plus à leurs prérogatives. Les décrets de 2007 et de 2016 élargissent leurs compétences, mais ne correspondent pas à leur référentiel de compétence, celui-ci ayant été élaboré en 1997 (BTS).
On envisage actuellement de passer la formation des opticiens à un niveau Licence, cela permettrait de développer les compétences en santé. Cette année supplémentaire devra permettre d’exploiter leur décret de compétence plus efficacement, et de mener des actions de dépistage à plus grande échelle. Les opticiens sont les professionnels de santé de la filière visuelle les plus nombreux, les plus accessibles, et les mieux répartis.
Des expérimentations ont été menées afin d’étendre le champ de compétences des orthoptistes.
L’objectif était de recentrer l’activité des ophtalmologistes sur des actes à plus forte valeur médicale. À cette fin, huit protocoles de coopération dérogatoire au décret d’actes des orthoptistes ont été mis en œuvre depuis 201214. Ils ont concerné la réalisation par un orthoptiste soit de bilans visuels, soit de certains actes comme le dépistage de la rétinopathie diabétique.
Cependant, au cours de la période récente, moins de 1 % des bilans visuels ont été effectués par un orthoptiste dans un cadre expérimental15.
Un décret du 5 décembre 2016 a élargi le champ de compétences des orthoptistes et de nouveaux actes ont, en conséquence, été inscrits à la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), comme les mesures de l’acuité visuelle et de la réfraction. Mais les conditions posées sont restrictives : ces nouvelles compétences, au premier chef la réalisation d’un bilan visuel16, ne peuvent être exercées par les orthoptistes que dans une structure où est présent un médecin17. Par ailleurs, les orthoptistes ne sont pas habilités à prescrire des équipements d’optique.
Le niveau de formation licence est insuffisant pour permettre l’interprétation des examens en ophtalmologie. Dans le cadre de la délégation aux orthoptistes, le premier recours aux soins reposera toujours sur les ophtalmologistes. Enfin, les orthoptistes, étant une profession prescrite, ont la même implantation géographique que les ophtalmologistes et ne répondent donc pas à la problématique des déserts médicaux.
Des innovations organisationnelles de portée limitée.
Le décret d’actes des orthoptistes a été adapté à la suite de la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 afin de favoriser le développement du « travail aidé ». Celui-ci consiste en la réalisation, par un orthoptiste généralement salarié, des examens préparatoires et complémentaires aux consultations effectuées par les ophtalmologistes.
Le Ministère chargé de la santé et l’Assurance Maladie ont défini deux contrats-types de coopération18, qui sont mis en œuvre depuis l’été 2017. Ces contrats ont pour but d’inciter les ophtalmologistes de secteur 1, ou adhérents à l’option de pratique tarifaire maîtrisée, à embaucher ou à former un orthoptiste. Des aides financières forfaitaires leur sont versées à ce titre par l’Assurance Maladie.
Par ailleurs, des protocoles organisationnels, également prévus par la loi de modernisation du système de santé, définissent des modalités de prise en charge partagées entre les ophtalmologistes et les orthoptistes pour le suivi de certaines catégories de patients.
Toutefois, ils s’adressent eux aussi aux seuls orthoptistes qui interviennent dans une structure garantissant la présence d’un médecin. La généralisation du « travail aidé » et des délégations d’actes aux orthoptistes se heurtent notamment à des obstacles juridiques, comme l’interdiction du partage de patientèle et d’honoraires entre des professionnels de santé libéraux, qui en restreignent la diffusion aux seuls orthoptistes salariés d’ophtalmologistes libéraux.
Cette organisation n’améliore donc pas la couverture territoriale nécessaire à l’éradication des déserts médicaux, et a pour conséquence une augmentation des honoraires des ophtalmologistes.
12 Aux termes du décret n° 2016-1381 du 12 octobre 2016.
13 Selon des chiffres du syndicat national des ophtalmologistes de France.
14 En application de l’article 51 de la loi « Hôpital, patients, santé et territoire » de 2009.
15 Entre août 2015 et fin 2017, seuls 47 141 bilans visuels réalisés par des orthoptistes ont été facturés à l’assurance maladie. (soit 1%)
16 Récemment inscrite à la NGAP par une décision de l’UNCAM du 10 juillet 2018 (Journal officiel du 24 juillet 2018).
17 Articles R. 4342-1-1 et R. 4342-2 du code de la santé publique.
18 En application de l’article 67 de la LFSS 2016.